Manquement à l'intégrité scientifique, témoignage

  • Publication : lundi 25 avril 2022 10:54
  • Écrit par Jean-Olivier Gransard-Desmond
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Les manquements à l'intégrité scientifique constituent une plaie ouverte pour la crédibilité de la science. Dans cette interview, Yann Callot, aujourd'hui professeur émérite en géomorphologie de l'université Lyon 2, témoigne du vol de résultats dont il a été victime alors qu'il était encore étudiant à l'université.

Entretien avec Yann Callot
Un témoignage pour contribuer à une meilleure déontologie en science

Portrait de Yann CallotQue faire en tant que doctorant quand un scientifique en poste vous impose sa loi ? Quelle forme peut prendre un manquement à l’intégrité scientifique envers un étudiant en Master, en thèse ou un post-doctorant ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles l'interview de Yann Callot permet de répondre.

Qui est Yann Callot et quelle difficulté a-t-il rencontrée ?

Yann Callot est aujourd'hui professeur émérite en géomorphologie de l'université Lyon 2 et chercheur associé au laboratoire Archéorient (UMR 5133). En 1982, il était encore doctorant. À l'époque, il a été dépossédé de ses résultats lors de la publication de l'article « Freshwater to marine-like environments from Holocene lakes in northern Sahara » pour la prestigieuse revue Nature.

Qu'est-ce qu'un manquement à l'intégrité scientifique ?

L'activité de publication est centrale dans la vie et la carrière d'un scientifique. Parmi les pratiques de recherche considérées comme contestables au niveau juridique, plusieurs relèvent de différents aspects touchant à la publication scientifique comme le souligne le site formadoct. Celle qui intéresse le cas de Yann Callot porte sur les manquements à la paternité d'un article, notamment dans l'ordre des signatures, ainsi que l'occultation volontaire de plusieurs informations.

L'usage de ces pratiques vise à mettre en avant un scientifique au dépend d'un ou plusieurs autres. Il convient de rappeler qu'une publication dans une revue prestigieuse apporte une notoriété permettant l'obtention non seulement d'une reconnaissance par les pairs, mais également de potentielles multiplications de crédits ainsi que de l'avancement de carrière.

Un manquement à l'intégrité scientifique parfaitement identifiable ?

Dans le cas de Yann Callot, le manquement à l’intégrité scientifique est parfaitement identifiable grâce à la publication antérieure qu'il avait pu faire. Cette antériorité ou prise de date est fondamentale afin de prouver la dimension volontaire du manquement. Dans le cas de la protection d'une idée, c'est le cahier de laboratoire qui fera foi d'où son importance quelle que soit la discipline, recherche archéologique comprise.

Le témoignage de Yann Callot souligne les 3 formes sous lesquelles il s'est vu dépossédé de la paternité de ses propres résultats :

  1. conflit sur la paternité de l’article avec un changement dans l’ordre de position des auteurs : prévu en 1ère position, Yann Callot s’est retrouvé en 3e position
  2. occultation volontaire de l’inventeur de la découverte en supprimant la mention de l’inventeur dans le texte original au motif d’un manque de place pour la version à publier
  3. occultation volontaire de l’inventeur de la découverte en noyant la première publication de Yann Callot au sein de références générales anciennes

Des pratiques encore bien trop vivantes

Les manquements à l'intégrité scientifique et au respect des étudiants comme des chercheurs non-professionnels (amateurs et bénévoles) que ce soit en archéologie ou dans d'autres domaines sont encore une pratique courante au moment de la rédaction de cet article. En témoigne l'essai publié par Adèle Combes sous le titre Comment l'université broie les jeunes chercheurs : précarité, harcèlement, loi du silence aux Éditions Autrement en janvier 2022. Cet essai synthétise des études remontant à 1998 avec la publication d'Isabelle Pourmir jusqu’à aujourd'hui en passant par la mention de l'enquête de l'auteur avec Vies de thèses.

La récurrence de ces manquements a mené à la création en 2017, au sein du HCERES, de l'Office français de l’intégrité scientifique. Cet office a pour mission la veille, l’observation de la mise en application de la Charte française de déontologie des métiers de la recherche et l’animation des référents sur les questions d’intégrité scientifique dans les établissements.

C'est également ce qui a poussé le Réseau National des Collèges Doctoraux à mener l’enquête Le doctorat en France, Regards croisés sur la formation doctorale publiée en 2021. Toutefois, si l'initative de cette enquête fut saluée par le podcast Thésard-es Podcast, son collectif en présentait également les biais - Cf. le fil Twitter dédié à la critique de l'enquête. Le collectif tempérait ainsi des résultats très en contraste avec les nombreuses publications soulevant les problèmes rencontrés par les doctorants.

Je suis étudiant.e, que faire face à ces mauvaises pratiques ?

Comme en témoigne Yann Callot à la fin de l'interview, il est très difficile d'agir en tant qu'étudiant. Ce qui était valable à l'époque reste encore d'actualité. En revanche, de nombreuses associations de doctorants luttent depuis des années avec des actions concrètes comme le Guide du doctorat par l’Association nationale des docteurs ès sciences (France) et la Confédération des Jeunes Chercheurs en 2020, guide toujours d'actualité au moment de la rédaction de l'article. La lecture de ce guide vous permettra d'anticiper les difficultés que vous pourriez rencontrer et ainsi d'être mieux préparé.

Par ailleurs, les étudiants ne sont plus seuls. Si vous êtes confrontés à un manquement d’intégrité scientifique, faites-le savoir autant pour vous que pour la science auprès de votre directeur ou directrice si la confiance est suffisante et sinon auprès d'associations comme la Confédération des Jeunes Chercheurs ou l’Association nationale des docteurs ès sciences (France).

Si vous êtes étudiants en archéologie, n'hésitez pas à nous contacter. Les manquements à l’intégrité scientifique entachent la valeur de la recherche scientifique et le risque est grand, à long terme, d’une décrédibilisation de la pratique scientifique. C'est pourquoi ArkéoTopia contribue à la défense de la recherche scientifique en portant son attention sur la recherche archéologique en particulier. Découvrez d’autres sujets relatifs à ces questions sur notre pilier Défendre.

Remerciements

ArkéoTopia remercie Yann Callot pour son témoignage et Adèle Combes pour les réponses qu'elle a bien voulu apporter à nos questions.

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